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 Sylvaeden chapitre 3

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Oannès
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Oannès


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MessageSujet: Sylvaeden chapitre 3   Sylvaeden chapitre 3 Icon_minitimeJeu 12 Oct - 16:09

CHAPITRE TROIS

LE MAITRE MAGICIEN DEÏLONDIL









L’intérieur même de la maison Principale était impressionnant de finesse et de charme et aucun des gobelins ne se ménagea à faire maints compliments sur la beauté du lieu.
Leur bonne tenue et leur comportement avenant leur attirèrent bien vite les faveurs des habitants de l’imposante demeure ; ces derniers se demandèrent toutefois pour quelle raison Bused’or demandait toujours à connaître le nom de ses interlocuteurs, pouffant à l’occasion de quelque réjouissante révélation.
La grande cloche de la salle des festivités tinta enfin et tous se pressèrent à l’intérieur. Les seigneurs Elfes n’étaient pas présents mais Burgul assura à ses protégés que la rencontre avec les plus hautes autorités la capitale blanche se ferait dès le lendemain.

Tom invita ses amis à ne pas trop se faire remarquer. Il répéta trois fois encore les instructions à Bused’or avant de s’installer pour de bon sur le siège rehaussé de coussins qu’on lui avait indiqué un peu plus tôt.
Les serviteurs étaient eux aussi des elfes ; il devait s’agir cependant d’une branche semi-humaine car ils avaient de gros lobes et un port de tête affligeant.
Les premiers plats furent disposés de fort belle manière devant les gobelins. Ces derniers firent de grands efforts pour retenir leur salive.
Les yeux de Bused’or étaient grands ouverts, fixes et blancs comme ceux d’une carpe tout juste arrachée à la besace d’un pêcheur. Flammèche le dévisagea avec mépris, songeant que seul un imbécile pouvait à ce point négliger la magie de la rencontre avec des elfes pour quelques menues victuailles.
Il y avait des brochettes de toutes les viandes du pays, des légumes aussi étranges qu’amusants (on les faisait pousser au pied des arbres avec un soupçon de magie pour tout engrais), diverses pâtisseries et autres compositions culinaires exotiques.
Les Elfes firent une courte prière dans leur langue et tous commencèrent à manger en silence. Obber, peu bavard et affamé, n’attendit pas longtemps pour se servir ; il commença par une aile de pigeon et ne put s’empêcher de l’accommoder avec une pensée pour le Pin des âges. Tom s’octroya pour sa part une grappe de carottes bleues, intrigué par leur inhabituelle couleur.
« Bah, si j’étais né ici je penserais que ce sont les carottes oranges qui sont bizarres. »
Il en avala aussitôt une bouchée et trouva cela très bon.
Bused’or ne s’inquiétait pas du contenu de son assiette car il n’avait nullement trouvé le temps de s’attarder sur ce qu’il engloutissait. C’est ainsi qu’il scella le sort de trois canards et d’une dizaine d’endives, laissant son voisin Elfe sans voix ni appétit.
Flammèche se contenta quant à elle d’une part de laitue qu’elle mangea avec une rigueur et une application suffisamment exagérées pour faire sourire le maître de maison, un seigneur de rang moyen. Il avait longuement observé les quatre gobelins (sans toutefois poser son regard sur eux) et s’apprêta à les inviter au salon. Mais Bused’or reprit un peu de chou-fleur et il dut patienter encore un peu.



***




- Bon, vous pourrez dormir dans la grange mais il vous faudra vous montrer discret, susurra Courtecrème au messager.
Le jeune Fougère s’était apparemment pris de pitié pour le pauvre bougre qui avait enduré un châtiment innommable : il avait écouté Crochet jusqu’au bout, ce qui démontrait par ailleurs qu’il avait une grande force morale et une endurance hors du commun.
Aussi éteint qu’un néant primitif et claudiquant avec peine, ce dernier s’assit sur la paille dans un dernier soupir. Il tenta à deux reprises de refermer les paupières mais il ne le put car ces dernières le brûlaient trop vivement.
- Je vais vous chercher des gouttes, murmura Courtecrème.
Mais l’Elfe s’endormit les yeux ouverts et ses lèvres prirent la forme d’un étrange sourire béat.
L’effet du silence, très probablement.



***




- Installez-vous ! Prenez place, nous allons bavarder !
Le maître de maison indiqua les larges fauteuils qui faisaient face à la grande cheminée du salon ; Burgul et trois de ses magiciens s’y installèrent sans plus attendre.
Les autres membres de la compagnie avaient promptement quitté la résidence car ils avaient des affaires qui ne pouvaient attendre (les compagnes des Elfes s’inquiétaient en effet de la moindre minute de retard).
Les quatre gobelins s’assirent sur le divan central tandis que leur hôte se postait devant eux en tournant le dos à l’âtre crépitant.
- A présent, Burgul, dit-il, j’aimerais savoir pourquoi tu as fais venir ces braves petits gobelins dans notre capitale. Non pas que je rechigne à recevoir des étrangers (son mensonge prit la forme d’un signal bruyant dans l’esprit de Tom) mais ceux-là ont l’air jeunes et leurs parents doivent sûrement s’inquiéter. Et ne me dis pas que ce sont là des orphelins que tu as adoptés !
- Eh bien, soupira Burgul, je vais vous raconter ce qui s’est passé…

Plongés dans un sommeil profond et salvateur, les makos piaillaient de contentement, bien enveloppés dans leur niche de plume. Un léger tremblement les secoua et ils se réveillèrent dans l’instant qui suivit.
Soudain, le toit parut s’élever de quelques pouces avant de retomber sur la maison. Des cris et des hurlements semblaient provenir du salon et les deux volatiles à la curiosité ragaillardie s’envolèrent aussitôt vers le rebord de la fenêtre du rez-de-chaussée.
Ils virent Deïlondil se frapper la tête contre l’une des colonnes de la cheminée en psalmodiant des vers de tragédie elfique. Burgul se tenait la tête entre les mains, tandis que ses magiciens sifflotaient en faisant mine d’observer les recoins cachés de la pièce.
Et les quatre gobelins riaient, riaient de si bon cœur qu’ils en avaient mal au ventre.
Les yeux fatigués des makos s’illuminèrent et ils oublièrent bien vite leur manque de sommeil.



Deïlondil, petit maître de la maison des magiciens,
Fut ainsi mis dans la confidence des évènements.
Il se résolut au début à de sinistres grognements,
Dévoilant sans vergogne le caractère qui était le sien.

Burgul, lieutenant émérite de l’assemblée
N’avait pu encore s’empêcher de gaffer.
Il n’avait jamais à ce point frôlé le chômage
Ce qui aurait été une catastrophe à son âge.

Ses gobelins étaient gais et dynamiques
Et ils lui apporteraient sûrement leur soutien.
Après tout le bougre leur était sympathique
Et au fond, ils l’aimaient bien.




- Tu es vraiment une plaie, Burgul ! s’exclama Deïlondil. Comment peux-tu à la fois réciter l’éveil des golems2 et faire une bourde pareille ? (Il se tourna vers les quatre gobelins) Et cessez donc de ricaner, sots que vous êtes ! Nous avions besoin de ces golems ! Pour sauver des vies, pour assurer la paix dans le pays ! Cela vous amuse de penser que les ombres du Khrakhên peuvent surgir à tout moment pour nous envahir ?
L’ambiance retomba et les gobelins se mirent à bouder, les bras croisés et la mine renfrognée.
- Bien, je me charge d’eux. Je déciderai de ton sort plus tard, Burgul. Rentre chez toi à présent et oublie cette conversation. Tu m’as l’air épuisé. »
Les derniers mots de Deïlondil semblèrent moins durs à l’oreille. Burgul se leva, fit une révérence appuyée et quitta la pièce d’un air triste, bientôt suivi de ses trois amis compatissants. Une fois que la lourde porte fut refermée, Deïlondil se tourna à nouveau vers la cheminée en ruminant un phrasé indigeste.
Il se dirigea finalement vers le bureau qui se trouvait dans la pièce d’à côté et claqua la porte, laissant les gobelins seuls et moroses.
TocToc.
Obber se leva et s’approcha de l’âtre pour se réchauffer. Les trois autres se détendirent un peu, s’adossant paisiblement sur le dossier du divan.
- C’est vraiment un méchant bonhomme ce Deïlondil, soupira Bused’or.
- Oui, et il n’a aucun respect pour les belles choses, poursuivit Flammèche. Mon père serait devenu fou s’il avait vu ce qu’il vient de faire à cette colonne. Elle est toute cabossée maintenant.
TocToc.
- Vous avez entendu ? dit Tom en sursautant.
- Entendu quoi ? demanda Obber en se retournant, les mains toujours en direction du feu.
- Un bruit. Ca vient de la fenêtre.
Il se leva et l’ouvrit en grand. Les deux makos entrèrent à l’intérieur et se posèrent aussitôt sur la cheminée, se rabrouant pour évacuer la fraîcheur nocturne du dehors.
- Qu’ils sont mignons, dit Flammèche. Et ils ressemblent plume pour plume à ceux qu’on a vu dans le sanctuaire.
- Ce sont peut-être les mêmes, dit Bused’or.
- Ce que tu peux être bête ! soupira-t-elle. Les oiseaux ne vont pas aussi vite que les chevaux.
- Ils viennent peut-être d’arriver, dit Obber. C’est fort possible qu’ils aient suivi notre trace. Les renards le font bien.
Flammèche pesta et, tout en se levant du divan, trotta à la rencontre des petits oiseaux. Elle faillit bousculer Obber dans le feu mais celui-ci s’écarta juste à temps.
- Tu l’as fais exprès ! cria-t-il.
- Pas du tout, je ne t’avais même pas vu, rétorqua-t-elle avec un dédain aussi naturel que le lui permît alors sa mauvaise foi.
Trop agacé pour se lancer dans un débat inutile, Obber rejoignit Tom qui réfléchissait tout près de la fenêtre.
- Tu penses à quoi ? lui demanda-t-il.
Tom se pencha vers lui avec un petit sourire triste.
- Je me demande ce qui va nous arriver maintenant. On dirait que Deïlondil s’affaire pour trouver un moyen de nous chasser d’ici. Le voyage a tout juste commencé qu’il risque d’être compromis par un elfe grognon.
Au même moment, Deïlondil reparut dans le salon. Il tenait quelques papiers dans sa main gauche, se servant de la droite pour faire signe aux gobelins de le suivre.
Ces derniers obtempérèrent, étonnés par le tracas qui semblait habiter le maître magicien. Il avait encore les cheveux ébouriffés et il était évident à leurs yeux qu’il les avait fort malmenés l’instant d’avant.



***




Flammèche, Obber, Bused’or et Tom s’assirent sur de petites chaises en bois, en face du bureau de Deïlondil. Celui-ci remit ses lunettes, rondes et fines, surplombant du regard un mur de paperasse pour apercevoir les gobelins.
- Bien, je vous ai rédigé un contrat de travail. Nous devrons nous passer des golems mais il est hors de question de se passer du Pouvoir. Vous allez lire ces papiers attentivement, puis vous les signerez, précédé de la mention « lu et approuvé ».
Il déposa autant de dossiers brochés sur le bureau qu’il y avait de gobelins et s’alluma une cigarette en attendant qu’ils aient fini.
Les quatre compères scrutèrent attentivement les différents feuillets d’un air mitigé durant près de dix minutes.
Tom s’arrêta soudain et prit la parole.
- Ce sont de jolis runes, c’est certain, mais nous ne savons ni lire ni écrire. Je me demande pourquoi vous voulez avoir notre avis là-dessus.
Les autres acquiescèrent, un peu désolés toutefois de ne pouvoir se rendre plus utiles.

Le toit de la maison Principale rebondit à nouveau, chassant par la même occasion un corbeau de passage, avant que l’Elfe ne prisse l’un des exemplaires et qu’il ne leur en fasse la lecture.

- Ca veut dire quoi « Nous ne pourrons tenir les Elfes pour responsables, en cas de malheur » ? demanda Bused’or en l’interrompant.
- Vous ne pourrez nous demander des écus de dédommagement si vous veniez à vous casser une patte durant l’une de vos missions, soupira Deïlondil sans même relever la tête.
- Ah ? s’exclama Flammèche. C’est si dangereux que ça ?
- Non, non ! C’est juste au cas où !
Les gobelins se regardèrent en souriant sur leur siège, à présent rassurés3.

Lorsque Deïlondil arriva enfin au chapitre « Rémunération », ces derniers furent suffisamment ébahis pour que l’Elfe ne s’en rende aussitôt compte.
- Qu’y a-t-il ? demanda Deïlondil. Quelque chose ne va pas ?
- V… vous…, bégaya Obber, vous voulez nous donnez douze sous d’argent et un écu d’or pour chaque mission ?
- C’est bien ce que j’ai dit. Et ce salaire n’est pas discutable. Vous vous en contenterez.

Bused’or se vit déjà ouvrir un magasin de confiseries à Ehanoch, la capitale des gobelins, recouvert de miel des pieds à la tête.
Obber s’imagina faire ériger une copie de glaise du Pin de âges à Sylvaeden et, pourquoi pas, devenir l’adjoint du maire.
Flammèche se perdit quant à elle dans des songes de bijoux et de robes, de futurs serviteurs et d’une infinie cour d’admirateurs. Elle sembla un court instant possédée par quelque esprit malfaisant.
Tom, plus terre à terre, songea qu’un tel magot devait cacher quelque chose de mauvais. Il savait que l’argent facile était une chimère et tenta de garder la tête froide.
- Ca me paraît être une trop grosse somme pour être honnête, dit Tom, pétrifiant ses amis par la même occasion.
« Il va tout gâcher, l’imbécile ! »
- Allons, allons, petit. Ce n’est pas grand chose pour des Elfes. Sais-tu quel est mon salaire, moi qui suis le maître magicien de la Capitale ?
- Euh, non… répondit Tom.
- Sept écus d’or et tous les mois.
Les mots résonnèrent dans les petites caboches comme un mirage auditif. L’Elfe remonta aussi sec dans l’estime de Flammèche qui lui trouva alors une certaine prestance et un grand charisme.
- Eh bien moi je m’habillerais un peu mieux si j’étais aussi riche, s’exclama Obber, dont l’élégance lui permettait de faire ce type de remarques désobligeantes.
L’Elfe ne tint pas compte de la sévère critique mais il jeta tout de même un regard inquiet vers sa tunique.
- Bon, je crois que vous en savez assez pour signer. Prenez ma plume et faites une croix ou un petit symbole au bas de la dernière page. Tout cela a suffisamment duré. J’ai sommeil.
Les gobelins dessinèrent avec application de jolis croquis d’animaux de leur pays et Deïlondil fit tinter une petite clochette en bronze lorsqu’ils eurent terminé. Un serviteur aux lobes anormalement développés entra et le maître magicien lui ordonna de conduire les gobelins dans leur chambre.
Les makos, qui avaient bien profité du feu de cheminée, les suivirent jusque dans leur nouveau repère. Ils s’étaient pris d’affection pour Flammèche et ils dormirent sur son lit jusqu’au lendemain matin.
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Oannès
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MessageSujet: Re: Sylvaeden chapitre 3   Sylvaeden chapitre 3 Icon_minitimeJeu 12 Oct - 16:10

***



Le soleil bondit dans l’horizon et le noir du ciel en fut transpercé de toutes parts. Ses rayons chatouillèrent le visage des quatre gobelins qui se mirent à bailler, à s’étirer longuement et ce, à plusieurs reprises. Les deux makos s’envolèrent sur la commode de Flammèche et piaillèrent en hommage à la belle journée qui se préparait. santa

Obber se leva enfin et ouvrit la fenêtre. Un vent léger gagna la pièce et laissa s’échapper l’air vicié de la nuit passée. Cela ragaillardit nos quatre amis qui n’attendirent que quelques secondes avant d’être pris d’une furieuse fringale. Ils parcoururent un bon moment les longs couloirs de la maison Principale avant de tomber sur Gnagou qui discutait avec une jeune Elfe fort belle à regarder.
- Ah ! Vous voici, petits garnements ! s’exclama-t-il. Vous désirez peut-être prendre un petit-déjeuner ?
Les gobelins hochèrent vigoureusement de la tête jusqu’à ce que Gnagou prisse congé de la jolie demoiselle et les conduisisse à une petite cuisine.

L’endroit était mignon comme tout, on aurait dit qu’il s’agissait de la cuisine d’une maison de poupée. Une petite table recouverte d’une nappe à carreaux rouges et blancs était jonchée d’innombrables croissants aussi gros qu’appétissants.
Un imposant chef-cuistot Nain remuait le chocolat chaud qu’il faisait bouillir dans une petite marmite rutilante. La tapisserie était jaune à pois verts. Cet endroit n’avait rien d’elfique, n’importe qui s’en serait rendu compte.
- Voici le quartier des Nains magiciens où nous prenons nos collations matinales, dit Gnagou. On les appelle « magiciens » car ce sont les meilleurs pâtissiers de tous le pays, lorsqu’ils se décident à délaisser un peu la pioche. On les emploie à mi-temps et on en a vraiment pour notre argent. Leur chef se prénomme Bomburin.
- Ne l’écoutez pas les enfants, dit le Nain sans prendre la peine de se retourner. Le mi-temps des Elfes est un quart-temps pour nous autres. Et notre cuisine ne vaut pas celle des Anciens.
Les gobelins s’attablèrent sans quitter le Nain du regard. Il sifflotait un air de chez lui tout en confectionnant des pains chocolatés avec amour. Il avait une voix très grave, presque semblable à celle des Orques.



Quand il eût fini, les gobelins l’acclamèrent, applaudissant à tout rompre. Le Nain se retourna pour faire une révérence mais lorsqu’il les vit, il manqua d’avaler sa barbe.

- Crénom de nom ! Des gobelins ! Des petites personnes tout comme moi, vertes néanmoins ! Un instant, petits seigneurs ! Je m’en vais vous faire goûter mes beignets à la myrtille ! Vous m’en direz des nouvelles !
Il s’agita dans tous les sens en agrémentant chacun de ses gestes par une exclamation heureuse : « des gobelins, de petits seigneurs ! »
Flammèche, Bused’or, Tom et Obber furent saisis par l’honneur que leur faisait Bomburin.
Ils récitèrent à leur tour et d’une seule voix un petit poème qu’ils avaient appris de Crochet, en l’honneur des mineurs de l’Ouest. (Crochet avait beaucoup voyagé et nombre de ses vieux amis de cette époque là étaient des Nains) Ce poème ne tarissait pas d’éloge et chaque rime présentait un compliment fort chaleureux.

Les yeux de Bomburin brillèrent de reflets émus. Il n’avait pas connaissance d’une telle estime des gobelins à l’égard de ceux de sa race. Il fit volte face et trompeta dans un grand mouchoir à carreau. Il courut ensuite dans la pièce d’à côté et revint avec un gâteau de miel et une assiette de beignets à la myrtille.
Gnagou demanda à Flammèche si elle connaissait un poème sur les Elfes. Mais la petite gobeline fit semblant de ne pas comprendre.
Bomburin se joignit à eux et demanda des nouvelles du Petit Pays de l’Olinghên. Tom, qui était l’aîné et donc le plus au fait de ce qui se passait à Sylvaeden, se fit le narrateur des petites affaires du village, du simple pot cassé à la récente naissance du jeune Clocheton.
- Et qu’en est-il des Nains, m’sieur Bomburin ? demanda Bused’or.
- Ah, mon petit, je n’en sais rien. Voilà près de dix longues années que j’ai établi ma petite affaire dans la Capitale Blanche et je ne puis te dire ce qu’il en est de mes compatriotes de l’Ouest. Ca me rappelle que je commence à avoir le mal du pays. Mais je serais là-bas un piètre mineur et les autres m’en tiendraient fermement rigueur.
- Faut pas dire ça m’sieur Bomburin ! dit Tom. De telles paroles ne s’accommodent pas d’un Nain !
- Bon garçon ! Voilà qui est bien causé ! Mais maintenant, il vous faut manger. Je ne sais pas pourquoi vous êtes ici, mais les invités ne sont jamais dans cette demeure pour de trop longues réjouissances. (Il se leva) Je demanderai de vos nouvelles, ne vous inquiétez point. Et maintenant il me faut retourner à l’œuvre. Mon soufflé à la liqueur de Bûhr doit être prêt avant le midi ! Foi de Bomburin ! »
Il les laissa là et se remit à ses fourneaux, en chantant bien sûr. Les makos, qui se trouvèrent face à une rude concurrence, se turent jusqu’à ce que les gobelins eurent fini leur collation et regagné le grand salon.



***



Courtecrème toqua à la porte du bureau de Raspoutine. Le maire de Sylvaeden se tenait derrière deux grosses piles de vieux discours à en rédiger un nouveau.
- L’Elfe est reparti monsieur le maire, dit Courtecrème. On a été un peu durs avec lui je trouve. C’est à peine s’il pouvait tenir les rênes de sa monture.
- Il fallait lui montrer que nous ne sommes pas des tendres et que de pareils incidents ne doivent pas se reproduire, répondit Raspoutine du tac au tac. Mais je suis toutefois rassuré de savoir que nos enfants sont entre les mains des Hautes Gens. Si j’en crois ce qu’il m’a dit, ils vont voyager vers le Pin des âges et rencontrer des Nains, ce qui est une chose formidable pour nos jeunes. (Il remit ses grosses lunettes et toussa à deux reprises) Maintenant laisse-moi seul, jeune Fougère. Il y aura un conseil ce soir sur la grand’place et je dois me préparer à de dures critiques.
- Très bien monsieur Sirfeu.
Courtecrème sortit de son bureau en hâte ; il eut une petite pensée pour son frère Obber.
« Le sacré veinard que voilà ! Des Nains et des Elfes ! Et de grands pouvoirs ! »



***




Il était onze heures dans la Capitale blanche. Les gobelins jouaient au ballon dans le jardin coquet des magiciens sous l’œil suspicieux des deux makos. Flammèche et Bused’or profitaient de leur effarante rapidité pour se saisir de la balle tandis que Tom en devinait aisément la trajectoire. Et s’il prenait à Obber l’envie de le récupérer, il l’attirait à lui d’une seule pensée.
Tandis que le jeu (très étrange à regarder) battait son plein, Burgul sortit de l’ombre d’une porte ; Bused’or fut le premier à remarquer sa présence.
- C’est m’sieur Burgul ! cria-t-il. Hourrah pour m’sieur Burgul !
- Je ne m’attendais pas à un tel accueil ! dit-il en levant les sourcils d’un air étonné.
Tom lâcha le ballon et courut avec Obber et Flammèche pour le rejoindre.
- Quel bon vent vous amène ? dit Flammèche que les petits pains de Bomburin avaient rendu joyeuse. Vous allez nous accompagner dans nos prochaines missions ?
- Oui. Deïlondil m’a pardonné et m’a donné une dernière chance de me rattraper. Je serai votre guide dès aujourd’hui et pour un moment je le crains.
- Comment ça « pour un moment je le crains »? demanda Obber.
- Nos chercheurs ne savent absolument pas comment briser le sortilège et vous enlever le Pouvoir. Il faudra peut-être attendre qu’il vous quitte de lui-même.
- On s’en fiche maintenant, s’écria Flammèche. Je ne me suis jamais autant amusée que depuis que je suis ici !
- Tant mieux, dit Burgul. Je vous laisse encore dix minutes pour jouer. Ensuite il nous faudra aller à l’Assemblée du centre. Les Sages nous donneront les directives pour notre première tâche. Soyez très polis avec eux. Ils pourraient vous transformer en crapauds si vous veniez à les froisser.
Les gobelins cessèrent tout mouvement et lui promirent d’être aussi discrets que des plumes d’oisillon au cœur d’un gros coussin.
Burgul fut satisfait de son petit mensonge et sortit dans la rue pour fumer une cigarette en les attendant. Il s’était pourtant promis d’arrêter le tabac mais d’être le tuteur de quatre gobelins à la fois lui causait trop de souci pour l’instant.
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