C'est pas du RP d'epic mais mon dernier roman (20 chapitres, 350 pages)
Je vous laisserai les 4 premiers chapitres si celui là vous plaît déjà
N'hésitez pas à être critique même si la correction est terminée et que je commence à démarcher un nouvel éditeur
CHAPITRE PREMIER
LA FETE DES BONS PRESAGES
Nous pouvons être sûrs d’une chose en ce monde : on ne regarde pas à la dépense dans le bourg de Sylvaeden lorsqu’il s’agit de fêter la renaissance du Pin des âges !
Car les druides du Sud l’ont bien dit (et nul n’ignore que les druides ne se trompent jamais) :
Les arbres savent mieux que quiconque ce qui se prépare dans les profondeurs de la terre, et il n’est pas meilleur prophète qu’un arbre millénaire.
Alors quand le très sérieux Courtecrème Fougère se présenta sur la place du bourg, grave et silencieux, pensez donc ! Le cœur des braves paysans s’est arrêté ! Plus rien, pas un bruit dans leur poitrine rebondie de gobelin !
Et le malaise aurait pu durer encore longtemps si le maire Raspoutine Sirfeu n’avait point décelé de lueur malicieuse dans l’œil du pèlerin solitaire.
Il prit Courtecrème par l’épaule et lui dit d’une voix chaude mais agacée :
- En voilà des façons ! Il n’est pas correct de jouer avec l’espoir des gobelins. Et tu ne provoqueras guère de rires à faire durer ce petit jeu, mon garçon.
Le pauvre Courtecrème rougit et leur avoua avec tendresse la grandiose nouvelle : le Pin des âges n’avait jamais connu une aussi belle santé. Nul ne lui en tint rigueur et le bon bougre fut acclamé malgré tout.
Quelques gobelins émotifs s’installèrent sans plus attendre à la terrasse du tavernier Péchouli pour y célébrer l’événement et siroter une réconfortante rasade de liqueur de Bûhr, la meilleure de tout le pays. Les visages s’illuminèrent définitivement et chacun songea un moment à la fête des Bons présages.
Même l’Aigre Dom se foula la cheville en sautant de joie et ne jura pas, c’est vous dire ! Non, vraiment, la vie n’a jamais été plus belle qu’à ce moment là.
Mais l’enchantement ne dura guère ; la place retrouva son calme habituel quelques minutes plus tard seulement. Les gobelins étaient rentrés chez eux aussi promptement que possible, le sourire aux lèvres, afin de parlementer en famille et se préparer à l’évènement.
La bonne volonté était la qualité suprême des villageois de Sylvaeden et tout ce petit monde avait à cœur d’apporter sa pierre à l’édifice, de rendre la fête plus belle qu’elle ne l’avait jamais été.
En conséquence de quoi et dès le lendemain matin, tout le monde y alla de son petit écu pour que l’on construise un bûcher de toute beauté.
Non, vraiment, on ne regarde pas à la dépense dans le bourg de Sylvaeden lorsqu’il s’agit de fêter la renaissance du Pin des âges !
***
Un bon vent, de ceux qui ne faisaient de tort qu’aux mauvaises herbes, se mit à souffler sur la surface du bourg. Les braves Gobelins de Sylvaeden achevaient de décorer les habitations de rubans multicolores.
Les malheureux n’avaient pu célébrer la fête des bons présages depuis trois longues années car la santé de l’arbre était allée de mal en pis et ce, malgré les soins attentifs des druides de la cité.
Les récoltes dans les plaines de l’Olinghên n’avaient pas trop souffert mais le proverbe local le plus célèbre était implacable : Pour un gobelin, le pire présage, c’est quand mal en point se trouve le Pin des âges.
La santé retrouvée de l’arbre souffreteux fut donc un grand événement et l’on érigea rapidement le bûcher traditionnel aux abords du village.
Il fallut le placer dans l’alignement de l’Impasse de la Curie et de la Route Capitale, toujours selon les préceptes druidiques ; cela pour amoindrir l’influence de la vieille route du Nord et ne pas s’attirer le mécontentement des voisinages humains et elfes.
En effet, les étranges coutumes gobelines n’étaient guère appréciées dans la région et la cohabitation dans le Londiên était parfois difficile. Seuls les Nains se montraient intéressés et bienveillants à leur égard car ils voyaient chez les gobelins des parents très subtils.
Nul ne savait comment ils en étaient arrivés à cette hasardeuse conclusion : ils étaient trapus et rougeauds tandis que les gobelins étaient aussi frêles et verts que des fruits printaniers. Les uns portaient de belles barbes touffues alors que les autres étaient aussi imberbes que des lézards, même de chevelure.
En vérité, seule leur petite taille était sujette à débat pour ce qui était de la question de parenté.
Relativement rustauds avec les étrangers, ils étaient toutefois assez bien tolérés par les Hommes du Sud. Et pour cause : ils leur servaient de guetteurs de par delà le Désert des Faux-Ethers, communiquant à leurs alliés un éventuel danger grâce au miroir qui trônait à la pointe de la Colonne d’Uys.
On raconte depuis toujours dans les chaumières du Sud qu’il s’agit là de l’unique chef-d’œuvre des druides Gobelins (qui, il est vrai, sont de piètres constructeurs).
***
Que de jolies choses sur cette place colorée de Sylvaeden, en ces temps placés sous les vents favorables du renouveau ! La plaine s’enorgueillit à chaque minute d’une nouvelle trouvaille, d’un beau présent qui réchauffe les cœurs ! Mille tresses de lins ont été enroulées autour des arbrisseaux du village, mille cœurs de papiers ont été collés sur les murs de glaise !
Les victuailles, rares et chères, ne le seront point en ce jour de félicité ! Des montagnes de friandises attendront les petits gobelins, de la bonne bière de la Capitale viendra panser l’esprit maussade de leurs pères !
Et si Larmady Grochar le fils du forgeron fait des siennes, les épouses auront de quoi follement bavarder, tout en érigeant le traditionnel gâteau à l’alcool de pêche ! Une pâtisserie majestueuse, recouverte de crème, enduite de pâte de noisette, perlée d’éclats de miel durci ! Qui saura donc retenir sa salive devant un spectacle aussi vivifiant pour l’appétit ?
On ressortira les pierres des ruines de Hoch, on priera un instant pour les ancêtres. On les remerciera pour leur bienveillance et on trinquera à leur paix éternelle. Il faudra aussi envoyer quatre jeunes gobelins sur les plateaux Noisette, afin qu’ils déposent les coutumières offrandes aux abords du ravin des mille disparus, en souvenir des aïeux. Et enfin on annoncera le début des festivités et rien ne sera plus doux alors que d’exister !
***
C’est au petit matin que l’on donna les sacs aux quatre volontaires qui s’enorgueillirent bien vite d’être l’objet de toutes les attentions. Sous chaque petit bonnet bleu de grands yeux pétillaient d’un bonheur simple, d’une joie toute gobeline.
Obber Fougère, le frère de Courtecrème, s’était paré de ses plus beaux habits. Il n’avait que douze ans mais avait déjà prit conscience de l’importance des apparats et du prestige. Le bougre était beau garçon et ses grands yeux bleus lui avaient toujours causés de pénibles bavardages avec les vieilles du village.
Heureusement pour lui, il trouvait toujours une astuce pour se défausser et éviter ainsi de se faire tirailler les joues à tort et à travers. Il était au regard des traditions un gnome de l’ancien temps, un bambin malin au caractère paisible.
Rien à voir avec la fille du maire, Flammèche Sirfeu, une gobeline à la fois candide et gaie mais terriblement capricieuse.
Elle testait déjà ses petits compagnons de route en quémandant de l’attention. Mais la petite s’y prit fort mal et même lorsqu’elle força ses premières larmes elle ne reçut aucune réponse.
Flammèche avait tout juste onze ans mais suffisamment d’énergie pour tourmenter ses parents du matin au soir et du soir au matin ; Raspoutine s’était demandé à plusieurs reprises s’il ne devrait pas un jour se résoudre à astreindre l’enfant terrible à une cure intensive de camomille.
Accroupie à l’entrée du village, cette dernière renifla encore à deux reprises avant de se relever, maudissant d’un point rageur le monde entier.
Seul Bused’or, du clan joyeux des Routefranche, semblait lui témoigner quelque compassion de son regard timide ; mais le pauvre bougre était sot comme un radis. Oh, Bused’or n’était pas bien méchant et c’était là le principal. Mais il fallait toujours qu’il s’attire les pires ennuis, par étourderie, par inattention ou encore par malchance.
« Un jour, dix chats noirs l’ont regardé alors qu’il passait sous une échelle. Il n’en est pas sorti, le bougre, et il n’a que neuf ans ! », disait-on à Sylvaeden en parlant de lui.
Tous se souviennent encore du jour où il arrosa la plante familiale, une vouivre d’acier vert. Celle-ci, fort jolie, colorée et pimpante, était entreposée dans le petit salon de sa modeste habitation.
Bused’or commit là son plus brillant pas de travers.
Arroser la Vouivre lui aurait valu de gentils remerciements de la part de ses parents… s’il n’avait omis de les informer de sa bonne action. Or tout le monde sait qu’une Vouivre d’acier vert est très sensible à la quantité d’eau qui lui est prodiguée chaque semaine.
C’est ainsi que la mère de Bused’or arrosa la belle plante une seconde fois dans la même journée : cette dernière s’étendit aussitôt jusqu’aux frontières du ciel, crevant le toit des Routefranche comme ses sœurs crevaient la terre.
On peut encore la voir dépasser, desséchée et grise, recouverte d’un joli lierre.
Mais les parents de Bused’or étaient de bonnes gens et ils ne lui firent jamais de sévère reproche. Ils s’en amusaient plutôt et considéraient avec sagesse (avec dépit serait plus juste) que leur rejeton était un don du ciel, un de ces enfants comme il n’y en a pas d’autres.
Le dernier de la petite assemblée était le timide Tom Beugleton, issu du clan des Beugleton de par son père et des Caillouteux de par sa mère.
Les deux familles se détestèrent cordialement jusqu’au jour où le petit Tom naquit. Beau comme un sucre et doux comme un agneau, il raccommoda les plus grincheuses rancœurs et tous finirent par se réconcilier au-dessus de son berceau.
Il grandit bien vite mais se montra toutefois très peu bavard, au point que certains finirent par s’en inquiéter.
- Mais à quoi pense-t-il, lui qui ne cause jamais ? glosaient les vieux du village lorsqu’ils le voyaient passer devant la taverne de Péchouli, un livre épais coincé entre les bras.
- Qui ne parle pas de ce qu’il pense, fait penser aux autres qu’il a de mauvaises pensées, citait le tavernier en réponse à cela, tout en essuyant un verre depuis longtemps sec. (Péchouli, puits de proverbes gobelins, s’alignait toujours sur l’humeur de sa clientèle. On a le sens du commerce ou on ne l’a pas.)
- M’est avis que c’est ce qui arrive lorsqu’on mélange des sangs bien trop différents ! concluait souvent à la volée le vieux Crochet Sirfeu qui était très fier de ses avis.
Mais non, Tom n’était pas prêt à changer sa nature profonde sous prétexte que cela ne convenait pas à une bande de gobelins séniles ! Sa verve viendrait avec l’âge, et ce n’était pas à treize ans qu’il accorderait quelque importance aux réprimandes des anciens.
***
C’est ainsi que nos quatre compères prirent la route, au son du chant de deux petits oiseaux merveilleux, colorés et joyeux, des makos pour ainsi dire.
Chargés plus qu’il n’en fallait, Obber, Flammèche, Bused’or et Tom partirent vers les plateaux Noisette par l’impasse de la Curie, le cœur léger. Et chacune des quatre familles regarda sans inquiétude son propre rejeton s’éloigner, rassurées par le bon présage du Pin des âges.
Les deux makos entonnèrent une chansonnette en voletant autour des gobelins. Aucun d’entre eux n’en comprit les paroles mais tous furent subjugués par la mélodie entraînante.
Les voilà partis vers les plateaux Noisette !
Trois bonnes milles pour l’aller,
Trois bonnes milles pour le retour !
Et entre les deux, un agréable moment
De paix et de joie pour ces jeunes Gobelins !
Ah, la jolie route en impasse de la Curie !
Un endroit où la rocaille n’use pas les souliers,
Où l’herbe verte qui borde le chemin
Fleure bon les relents d’une nature généreuse.
A droite, les montages, à gauche les plaines sans fin !
Et tout droit, la plus apaisante place de tout le Londiên,
Là où les bons esprits chantent des refrains joyeux
Que seuls la terre et le ciel peuvent entendre !***
Flammèche et Bused’or avançaient en tête de cortège, observant en silence le merveilleux décor qui habillait leur première sortie. Obber et Tom fermaient la marche et bavardaient à propos des grandes personnes du village.
- Ton frère nous a tous fait très peur, dit Tom.
- Il plaisante rarement, répondit Obber, amusé. Mais lorsqu’il s’y risque, il fait pas les choses à moitié ! Tu penses qu’un jour l’un de nous ira voir le Pin des âges, tout comme lui ?
- Je sais pas. T’en as envie, toi ?
- Quelle question ! Bien sûr que j’en ai envie ! Voir des druides, Tom ! Voir des druides ! Ils s’y connaissent en tours de magie… peut-être même qu’ils accepteraient de nous en apprendre, si on leur demandait !
Tom s’amusa de l’engouement d’Obber et se mit à l’imaginer en train de se prosterner devant des druides dans une ferveur exagérée, se déroulant à leur pied comme un vieux tapis. L’image de ces derniers le relevant pour lui botter les fesses lui parut suffisamment drôle pour qu’il ne puisse se retenir de pouffer. Il fit toutefois passer son accès de bonne humeur pour un léger toussotement et Obber n’en fut pas contrarié.
Ils durent accélérer le pas quelques instants plus tard car les deux autres gobelins s’étaient mis à trotter en chantant, bras d’ssus bras d’ssous.
D’innombrables fleurs venaient lécher le bord de la route, là où la rocaille avait été moins attentive à une éventuelle invasion. Les vastes plaines voisines semblaient s’élargir au fur et à mesure de leur progression, jusqu’à devenir des horizons verdoyants coiffés de montagnes majestueuses.
Les insectes ne piquaient pas dans la région car ils avaient largement de quoi butiner dans les champs de coquelicots voisins sans avoir à embêter les braves gobelins et ils passaient devant eux sans même les remarquer.
Un petit ruisseau, frais et rapide, zigzaguait sur la route comme un joyeux serpent. Il aurait été heureux de les accompagner dans leur périple mais il avait bien trop à faire pour s’amuser et continua d’acheminer l’impôt liquide qu’il devait au fleuve d’un pas pressé.